L’importance de la langue

« On m’a enseigné qu’on n’a jamais perdu notre langue. Elle sommeille tout simplement en nous. »
— Rebecca LaRiviere

Les habiletés langagières sont une composante essentielle de l’apprentissage des enfants d’âge préscolaire, car elles leur permettent d’interagir et de tisser des liens avec les autres, d’améliorer leurs compétences sociales et de se préparer pour leur premier jour d’école. Voilà pourquoi le programme consacre autant de temps et d’attention à l’acquisition dès le tout jeune âge d’habiletés langagières, surtout des langues traditionnelles.

« Il est important d’enseigner les lettres, les chiffres, les couleurs et les concepts. Mais ce que je peux faire pour aider à préparer les enfants d’âge préscolaire, c’est m’assurer qu’ils ont un bon langage, réceptif et productif, afin qu’ils puissent avoir de bonnes relations sociales à l’école », affirme Rebecca Lariviere.

Selon elle, l’apprentissage de la langue crie, qui est parlée à Maskwacis, stimule la force intérieure de l’enfant. Afin de soutenir la revitalisation de la langue et de la culture traditionnelles auprès du plus grand nombre de personnes possible, la boîte à outils du programme à Maskwacis est offerte en ligne et présente des témoignages en langue crie des aînés de la communauté.

Pour de nombreux membres du personnel du programme La petite enfance, jouer un rôle positif dans le développement du jeune enfant est une mission personnelle. Ils ont la conviction que la promotion de l’éducation traditionnelle et l’importance de l’utilisation de la langue crie contribuent à inculquer un sentiment d’identité en montrant aux enfants qui ils sont vraiment. Et il faut commencer tôt, en encourageant les mamans à parler la langue crie pendant leur grossesse, car leur bébé assimilera les sons de cette langue à mesure que leur cerveau se développera pendant la période prénatale. « Si chanter la chanson syllabaire crie est la seule activité que vous pouvez offrir aux familles, ou que vous pouvez faire avec l’enfant, vous les exposez déjà à leur propre lexique. »

Se préparer au préscolaire

Lorsque les enfants inscrits au programme de Maskwacis atteignent l’âge de deux ans, ils entrent dans une nouvelle phase. On met alors l’accent sur la préparation au préscolaire plutôt que sur les visites périodiques à domicile. La boîte à outils du programme La petite enfance s’adresse également aux enfants âgés de 24 à 48 mois. Des ateliers sont offerts sur des sujets comme la routine quotidienne et la transition vers le préscolaire, où l’enfant se retrouve sans la présence de ses parents.

Rebecca et l’équipe locale ont également élaboré un cours d’une durée de huit semaines intitulé Get Ready for Preschool (se préparer au préscolaire) afin de soutenir les familles pendant cette transition. L’enseignement de la langue crie est un élément central du cours. Pour inspirer davantage les participants du programme, tout ce qui se trouve dans le bâtiment — tables, chaises, portes et mobilier de la salle de jeux — est étiqueté en langue crie. La journée peut commencer par une cérémonie de purification par la fumée ou par l’heure du cercle, suivie d’une chanson comme « Dans la ferme à Maturin » chantée en cri (une version composée par Brian MacDonald). Pour ajouter du plaisir et favoriser la participation, le personnel utilise même des marionnettes qui chantent.

Se réapproprier les enseignements traditionnels

Dans la mesure du possible et chaque fois que l’occasion se présente, Rebecca se fait un point d’honneur d’informer les participants sur le lien qui existe entre la langue et le développement du cerveau chez les enfants. Si elle voit un proche aidant parler tout bonnement en langue crie ou faire des blagues en langue crie avec un ami, elle souligne ainsi ces points forts : « Voilà comment vous pouvez parler avec votre enfant. Vous pouvez pousser l’apprentissage plus loin en rendant la communication intentionnelle. »

 

« Je dis aux familles : « Traditionnellement, voici à quoi ressemblait l’éducation des enfants, voici comment elle a été perturbée, et voici comment vous pouvez vous la réapproprier », ajoute Rebecca. Ça vous appartient. Ce sont vos enseignements. Vous pouvez y arriver. »

Le pouvoir des parents

« Après une journée de travail, je suis fière de savoir que j’ai aidé une famille du mieux que je pouvais, que ce soit en partageant ma propre expérience de mère ou en étant une épaule sur laquelle s’appuyer. »
— Tijua Omeasoo

Si le parcours qui amène à être parent est stimulant, il peut aussi devenir quelque peu étourdissant. C’est pourquoi Maria Littlechild et Lazarus Potts se sont inscrits au programme La petite enfance de Maskwacis quelques mois après la naissance de leur premier enfant. Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, les visiteuses et les participants ont fait preuve de prudence, ce qui a permis de poursuivre les visites, mais virtuellement.

« Tijua nous aide vraiment beaucoup, affirme Maria. Elle fait des appels FaceTime avec nous pour passer en revue les cartes de la boîte à outils du programme. Parfois, elle nous apporte même de la nourriture. »

Tijua Omeasoo est visiteuse pour les membres de cette famille. Elle dépose régulièrement à leur porte des aliments nutritifs, des recettes saines et d’autres provisions qui favorisent leur santé et leur bien-être. Mère de quatre enfants, Tijua a un don particulier pour guider les parents durant les hauts et les bas de leur vie, comme si elle était membre de leur famille élargie.

Pleins feux sur le rôle de père

L’acquisition de connaissances parentales est une composante essentielle du programme La petite enfance. L’éducation prénatale et postnatale permet aux familles d’acquérir des compétences, comme savoir repérer les indices et les signaux provenant des nourrissons, adopter une bonne alimentation, offrir un environnement de sommeil sécuritaire ou découvrir des trucs pour arrêter les pleurs de bébé. En plus de ces leçons, une attention particulière est accordée à la valorisation des pères au sein de leur communauté.

La recherche sur le développement du jeune enfant et de son cerveau a montré que l’engagement positif des pères peut avoir des effets durables sur la vie de leurs enfants. « Les papas veulent se sentir fiers. Ils veulent qu’on leur dise qu’ils font du bon travail, dit Annette Morin, une autre visiteuse du programme à Maskwacis. Mais dans bien des cas, personne ne leur a dit quel était leur rôle. »

Le programme est conçu pour soutenir les papas en les invitant aux visites, en les accueillant dans les rencontres de groupe et en les rassurant dans leur nouveau rôle.

Comme le souligne Lazarus, le renforcement des connaissances parentales profite à tous les membres de la famille. Il dit apprécier la reconnaissance qu’on accorde à son rôle. « Ça me rend heureux d’être présent pour soutenir toute ma famille et d’agir pour le bien-être de mon enfant. »

En lien avec la culture

La famille Littlechild-Potts est ravie que le programme mette en valeur la culture crie. Leur garçon aîné commence à marcher et à parler, et ses parents l’aident souvent dans son apprentissage en utilisant l’une de leurs cartes favorites de la boîte à outils, « Compter en langue crie ».

« Nos enfants doivent connaître leur culture et la langue crie. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui la parlent couramment. »

Les rencontres de groupe du programme sont l’occasion de renforcer les liens sociaux et culturels. Après avoir participé aux ateliers de couture, Lazarus porte une meilleure appréciation sur un métier traditionnellement réservé aux femmes. À l’avenir, il espère que davantage d’hommes de la communauté apprendront à coudre. « Les hommes n’ont pas l’occasion de coudre tous les jours, ajoute Lazarus. Ça nous change les idées et c’est une excellente façon d’exprimer notre créativité ! »

La famille s’agrandit

Lorsque la situation l’exige, les visiteuses du programme aident les parents, comme Maria et Lazarus, à prendre des décisions concernant la planification familiale, l’éducation et leurs aspirations professionnelles, et à réaliser leurs projets personnels.

Pour l’instant, les visites virtuelles périodiques de Tijua assurent la tranquillité d’esprit de Maria et de Lazarus, qui se préparent à la naissance de leur deuxième enfant. « Depuis l’arrivée de notre petit dernier, je m’étais un peu éloignée du contenu de certaines cartes de la boîte à outils. Tijua a pris le temps de le revoir avec moi », affirme Maria.

Atteindre les familles rurales et urbaines

Au printemps 2021, le programme La petite enfance de la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon a été offert à toutes les familles autochtones du Yukon. Une équipe communautaire d’employés issus des milieux rural ou urbain accompagne désormais les nouveaux parents dès la grossesse et jusqu’à ce que l’enfant entre à l’école. Comprenant visites à domicile, rencontres de groupe et haltes-garderies familiales dans un espace attitré, le programme est le fruit d’une longue période d’élaboration conjointe. Pour créer conjointement le programme, Jessica Hayden, directrice adjointe du programme La petite enfance, a collaboré avec les Premières Nations et la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon. « Cette collaboration a marqué une étape importante du programme La petite enfance, car elle visait à soutenir les parents et les familles dans des contextes tant urbains que ruraux et à s’adapter à de nombreux groupes linguistiques », affirme Jessica. La Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon est une organisation dirigée par des autochtones, qui se consacre à soutenir les élèves dans l’ensemble des quatorze Premières Nations au Yukon. Elle fait valoir le processus décisionnel et les aspirations des Premières Nations en matière de contrôle sur l’éducation, notamment en leur offrant du soutien technique, de la recherche et des conseils sur les processus liés aux conventions-cadres. Elle agit aussi comme ambassadrice auprès des étudiants des Premières Nations à l’échelle du système. Grâce au programme La petite enfance, la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon répond désormais aux besoins des enfants encore plus tôt, soit dès les premières années de leur vie, comme le souligne Melanie Bennett, directrice générale : « Plus que jamais, on doit élaborer des programmes pour la petite enfance adaptés aux besoins des parents et des jeunes enfants autochtones dans le but d’atteindre des résultats plus positifs. »

S’assurer du leadership des communautés

L’une des priorités déterminées par les Premières Nations consiste à atteindre aussi les citoyens en milieu urbain, pour qu’ils puissent tisser des liens avec leur communauté et leur culture. En réponse à ce commentaire important, le programme « Early Years Needs » a été mis en place pour les parents et les familles qui vivent à Whitehorse et dans les environs.

« Les programmes universels ne fonctionnent pas bien au sein de la mosaïque autochtone du Canada, affirme Melissa. Il est important d’adapter les programmes à la culture et aux valeurs distinctes de chaque région. De même, le fait de pouvoir adapter le programme aux besoins opérationnels particuliers de chaque organisation permet à la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon de structurer le programme La petite enfance pour qu’il fonctionne efficacement au sein de notre grande organisation. »

Faisant écho aux réflexions de Melanie, Jessica ajoute : « Le modèle du programme La petite enfance offre un cadre de soutien aux communautés pour l’identification de leurs priorités et défis particuliers et dans l’établissement de leurs meilleures pratiques. C’est le leadership de la Direction de l’éducation des Premières Nations du Yukon et celui de la direction de chaque communauté qui seront catalyseurs de changements transformationnels. »

Jessica souligne également que la langue et la culture sont prioritaires tout au long du processus d’élaboration du programme. Un conseiller culturel attitré réunit des experts des communautés et des gardiens du savoir pour adapter le programme et le traduire en kaska, tutchone du Nord et gwich’in.

Pour les leaders locaux, c’est l’occasion d’identifier les experts en santé maternelle au sein des communautés et d’honorer la langue et la culture de chaque communauté, qu’il s’agisse du Conseil Dena de Ross River, de la Première Nation de Selkirk, de la Première Nation des Gwitchin Vuntut ou de la Première Nation des Na-Cho Nyäk Dun.

Grâce aux visiteuses du programme La petite enfance, formées et prêtes à rencontrer les familles, et au bâtiment pour la petite enfance disposant de tout le personnel nécessaire et ouvert au public, tout le monde se réjouit de voir de plus en plus d’enfants, de mères, de pères et d’autres proches aidants gagner en confiance et en force en participant au programme.