Mesurer les progrès de l’intérieur

« C’est un honneur de se voir confier la tâche de regrouper autant de données diverses et provenant de sources multiples, qui sont le reflet de l’incroyable parcours du programme. »
— Dre Melissa Tremblay

Conduire de la recherche avec plutôt que dans les communautés autochtones

Dans le passé — et souvent pas si lointain — l’évaluation et la collecte des données étaient effectuées sur ou dans les communautés autochtones, plutôt qu’avec les communautés autochtones ou par les peuples autochtones. Bien que les chercheurs et les évaluateurs font de plus en plus appel à des approches qui englobent un engagement communautaire accru, il n’y a encore que peu d’exemples de projets de recherche et d’évaluation entrepris et dirigés par des communautés autochtones. En fin de compte, l’évaluation du programme La petite enfance diffère des processus d’évaluation et de recherche conventionnels par le fait qu’elle est dirigée par la communauté. Il est crucial que les communautés autochtones contrôlent l’évaluation des programmes communautaires. Lorsque les membres d’une communauté sont en mesure de diriger le processus d’évaluation des projets qui ont une incidence sur eux, l’expérience et la sagesse de la communauté peuvent contribuer à la génération et à la mobilisation des savoirs.

Mesurer les progrès au sein de la communauté

Dans le cadre du programme La petite enfance à Maskwacis, en Alberta, nous utilisons des méthodes scientifiques pour recueillir et analyser des données quantitatives sur des sujets comme les facteurs soutenant une saine grossesse et l’amélioration des habiletés langagières des enfants. Nous recueillons également des données qualitatives, notamment en écoutant et en consignant les points de vue et les histoires du personnel et des participants du programme afin de mieux cerner les progrès et les répercussions. Nous utilisons des questionnaires d’autoévaluation que doivent remplir les parents, un questionnaire de suivi des progrès du développement de chaque enfant inscrit et un outil de préparation au préscolaire à l’échelle de la communauté. De plus, nous faisons le suivi de nombreux bilans en matière de santé, d’éducation et de services sociaux, ainsi que des progrès de la mise en œuvre du programme grâce à l’outil de base de données personnalisé du programme La petite enfance. C’est un honneur de se voir confier la tâche de regrouper autant de données diverses et provenant de sources multiples, qui sont le reflet de l’incroyable parcours du programme.

Le potentiel des modèles d’évaluation dirigés par des autochtones

Le potentiel d’un modèle d’évaluation est énorme et va bien au-delà de celui du programme La petite enfance de Maskwacis et du programme en lui-même. Les méthodes de recherche et d’évaluation enracinées dans la communauté et qui donnent la priorité à la responsabilisation relationnelle sont cruciales pour deux raisons. D’une part, mettre fin aux pratiques et aux politiques coloniales de longue date en recherche et en évaluation, auxquelles les communautés autochtones ont activement résisté. D’autre part, aider les enfants et les familles autochtones à faire valoir leurs forces insoupçonnées.

Les premières étapes

« Ce qui rend le programme La petite enfance révolutionnaire, c’est qu’il nous donne la possibilité de le mettre en place en fonction de nos besoins. C’est très valorisant. Il est important d’avoir un sentiment d’appartenance à des programmes qui auront des répercussions sur les générations à venir. Parce que nous faisons plus qu’aider les femmes enceintes en ce moment. Nous jetons les premières bases pour les bébés qui ne sont pas encore nés. »
— Charlene Rattlesnake
(Wapikeesigooikwa)

Charlene Rattlesnake (Wapikeesigooikway) est coordonnatrice familiale et culturelle du programme La petite enfance. Mère de cinq enfants et grand-mère, Charlene travaille comme infirmière à Maskwacis depuis 2006.

Le bien-être des familles

Nos activités sont fondées sur une compréhension holistique de la santé et du bien-être. Nous souhaitons communiquer que le concept de santé est beaucoup plus large qu’on croit. La façon occidentale de définir le bien-être a toujours été au premier plan, mais nous réalisons maintenant que ce mode de vie n’est pas toujours gage de succès pour les peuples autochtones. Nous prenons dorénavant du recul et utilisons nos propres moyens d’améliorer notre santé, tant sur le plan mental et émotionnel que spirituel. »

Sur la renaissance des cultures

J’accorde une grande importance à la culture… et je constate une réelle soif de savoir. Dès qu’on dit quelque chose qui établit un lien avec les familles, on peut lire sur leur visage une expression comme « Wow, je ne le savais pas ! » Depuis longtemps, les gens disent : « Oui, la culture se meurt. » C’est faux, la culture est très vivante. Dans mon rôle, j’ai découvert qu’il y a beaucoup de savoirs qui existent et perdurent. Ils doivent être mis à profit. Ce programme a permis aux participants d’y avoir accès.

Sur la vision collective de l’avenir

Je veux que les participants disent : « Heureusement que nous avons le programme et que la culture y occupe une place importante. Nous sommes maintenant en meilleure santé de corps, d’âme et d’esprit, car nous en savons un peu plus sur notre passé, notre culture, nos valeurs et nos croyances. » Je pense que ce programme va permettre d’améliorer la santé générale des gens.

Heather Downie, coordonnatrice du programme, est mère de deux enfants et travaille depuis 1997 comme infirmière à Maskwacis.

Les occasions de création

Lorsque le programme a été lancé, nous avons proposé de former les visiteuses ici même au sein de la communauté, et ç’a été un avantage. Il y a tellement de femmes inscrites au programme qui ont des compétences et veulent travailler, mais qui ne peuvent pas quitter leur famille. Voilà pourquoi ce programme apporte un vent de fraîcheur. Les participantes sont enthousiastes. Le fait que ces femmes se rencontrent et s’encouragent entre elles à présenter une demande d’emploi témoigne de la force de la communauté.

Le pouvoir des relations

J’évalue le programme sous deux angles. À titre de coordonnatrice, je constate que les visiteuses du programme se retroussent vraiment les manches, gagnent en confiance et défendent les intérêts des familles comme s’il s’agissait des leurs. D’autre part, je constate que les familles communiquent avec moi et Charlene en toute confiance. Elles nous envoient une photo de famille, ce qui prouve que nous entretenons une relation intime avec elles. En tant qu’infirmière, ce genre d’occasion se présente rarement. Cette relation que les visiteuses nouent avec ces mamans, elle se poursuit dans le temps. C’est tellement gratifiant de voir les mamans et leurs bébés à mesure qu’ils grandissent.

Une approche qui encourage les parents à prendre l’initiative

Le programme consiste à faire des familles notre priorité, et nous le faisons en étant prêtes lorsqu’elles le sont. C’est l’avantage d’établir des relations. Nous essayons simplement de les aider à se sentir bien dans leurs choix. Quand je repense à l’année écoulée sur le plan de la vaccination, par exemple, nos cliniques les plus populaires ont été celles ouvertes le soir, lorsque Charlene et moi les organisions nous-mêmes. Comme les parents nous connaissaient, ils se sentaient à l’aise de se faire vacciner malgré la douleur de la piqûre.

Kokum 101

Son enseignement ne vient pas de manuels, mais plutôt d’expériences vécues. 

Quand les communautés sont aux commandes

Leader académique au Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, la Dre Margo Greenwood est une universitaire d’ascendance crie qui possède des années d’expérience en matière de santé et de bien-être des enfants, des familles et des communautés autochtones. Elle est également professeure aux programmes d’études des Premières Nations et d’éducation à la University of Northern British Columbia

La diversité du monde autochtone

Il y a une grande diversité au sein de nos communautés. Nos familles méritent d’avoir le droit de choisir. Et de bénéficier de programmes de première qualité. L’une des raisons du succès et de l’originalité du programme La petite enfance et de l’Initiative de la famille Martin est que chaque communauté gère son propre programme. Il est souple et s’adapte aux besoins des diverses communautés autochtones, à savoir plus de 600 nations et 60 groupes linguistiques différents. C’est chaque communauté, et non le programme, qui est au cœur des préoccupations. Il est très important de le souligner. Le programme La petite enfance valorise l’excellent travail des communautés.

La mise en place d’une infrastructure

L’un des éléments importants du programme pour les communautés qui y adhèrent est la connaissance et les ressources destinées à la mise en place d’une infrastructure. Cette approche comble une lacune qui existe selon moi depuis des décennies : dans les autres programmes pour la petite enfance, le soutien administratif à l’infrastructure n’est souvent pas offert (ou il est très limité). C’est la pierre angulaire du programme, car c’est ce qui permet de le mettre en place de façon durable au sein des communautés.

Une approche holistique

Le programme a eu un effet rassembleur sur les communautés. Il a procuré de l’emploi aux femmes des communautés et a répondu aux besoins des jeunes mamans et de leurs bébés. Il a permis aux familles d’y participer activement, comme l’illustre ce genre de propos qu’on entend souvent : « Ma fille participe au programme, et je m’y suis inscrite pour donner un coup de main. » C’est une plateforme qui permet d’intégrer des programmes et un lieu sûr où les gens peuvent se rassembler et parler de leurs enfants. Les familles sont la pierre d’assise des communautés, et le programme favorise le développement riche et optimal de ces familles. Les enfants font partie du programme, au même titre que leurs parents. C’est une occasion privilégiée de considérer l’enfant dans le contexte de la famille.