De visiteuse à mère

« Toutes les familles façonnent leur propre expérience, ce qui leur assure d’être soutenues pour s’occuper de leurs enfants de façon à tisser des liens enrichissants avec les membres de leur famille, de leur communauté et de leur culture. »
— Melissa Puff

« C’est une approche tout en douceur. » Voilà comment Melissa Puff décrit ce qui distingue le programme La petite enfance des autres programmes. Elle a pu constater par elle-même cette approche pendant les deux années où elle a travaillé comme visiteuse à Maskwacis. « Habituellement, vous arrivez dans un programme et devez prendre en compte tous les paramètres qui sont déjà en place. Pas ici. On a l’occasion de dire ce qu’on ressent ou pense. C’est un programme ouvert et fluide qui nous permet de réaliser nos aspirations. » Selon Melissa, ce programme est également une bonne chose pour les familles, parce qu’il donne le ton au déroulement des visites à domicile.
Par l’entremise d’activités périodiques à domicile et d’ateliers enracinés dans les savoirs culturels, les visiteuses encouragent les liens importants qui se nouent entre les enfants et leurs proches aidants. Les soins bienveillants aident les enfants à faire preuve de résilience et à s’enraciner dans leur culture, tandis que la constance et l’adaptabilité leur apprennent à se connaître dans le regard tendre de leurs proches, à avoir confiance en eux et à se sentir en sécurité dans leur environnement.

Mais il y a un autre facteur qui fait de Melissa une ardente défenderesse des intérêts des familles de sa communauté. Non seulement Melissa est visiteuse, mais lorsqu’elle est tombée enceinte de son petit garçon, elle s’est également inscrite comme participante.

Tout au long de son congé de maternité, Melissa a bénéficié du soutien d’une visiteuse dévouée. Les visites à domicile lui ont permis de jeter un regard différent sur le programme qu’elle met en œuvre. « Lorsqu’elle découvre la boîte à outils avec moi, je fais le lien avec mes propres expériences avec mon bébé, où il en est et comment il grandit et apprend », confie-t-elle. Grâce au programme, elle a pu participer au développement de son bébé tout en l’exposant à la langue crie, aux savoirs traditionnels et à sa communauté élargie.

Alors que son congé de maternité tire à sa fin, Melissa se prépare à reprendre son rôle de visiteuse. Elle sait qu’après l’expérience qu’elle a vécue en mettant au monde un enfant, rien ne sera plus pareil dans sa vie. Non seulement sera-t-elle transformée par l’expérience de devenir à nouveau mère à une étape différente de sa vie, mais elle sera mieux outillée grâce au soutien obtenu dans le cadre de ce programme.

« Dans le passé, nous élevions et nourrissions d’autres enfants de la communauté, et subvenions à leurs besoins, affirme-t-elle. Je pense que si nous continuons à enseigner cette histoire, les choses redeviendront comme au début. En tant que communauté, nous aurions tellement plus de succès si tous ses membres travaillaient main dans la main et retrouvaient leurs façons de vivre traditionnelles sur le plan culturel. »

Se parler face à face

Préparer ma journée

Aujourd’hui, j’ai planifié utiliser deux cartes de la boîte à outils. J’ai choisi celle intitulée  « Peur des étrangers » pour le fils d’un an. Lors de visites précédentes, j’ai remarqué qu’il semblait dérangé par la présence de gens qu’ils ne connaît pas. Lorsque je le salue, il semble surpris, pleure et cherche à s’éloigner. J’ai donc planifié ma visite en fonction de comportements que j’ai observés chez lui. Je vais parcourir mon guide de ressources et bien lire la section « Peur des étrangers ». Je vais ensuite réfléchir à une expérience personnelle en lien avec la carte de la boîte à outils. Par exemple, comment ai-je agi en tant que parent? Parfois, je demande conseil auprès du coordonnateur du programme.

Bébé et moi

Ensuite, au moment de la visite, je parcours les cartes de la boîte à outils. J’ai remarqué que lorsque je me suis adressée à l’enfant, il a cessé de regarder sa mère et a tourné son visage vers moi. Ma voix l’intéressait. Je me suis ensuite tournée vers la mère pour aborder le sujet : « Voici un autre sujet que je voulais qu’on aborde ensemble aujourd’hui. Parler face à face avec bébé. » Elle me répond aussitôt, avec une grande fierté : « Je le fais déjà ! » Elle reprend ensuite l’enfant pour le donner au père. Nous commençons alors à discuter de l’importance de la carte de la boîte à outils « Parler face à face ». Je vois bien que c’est quelque chose qu’elle fait déjà, car bébé reconnaît bien sa voix. Il est très calme. Je sais qu’elle est une mère responsable et elle ne refuse jamais une visite. C’est ma visite la plus réussie de la semaine. À la fin de la visite, nous parlons un peu de comment les choses se passent avec leur famille. Et lorsque d’autres membres de la famille sont présents, je constate qu’ils respectent mon travail de visiteuse. J’en suis très heureuse.

Maman et moi

Ma deuxième visite à domicile aujourd’hui est axée sur la planification familiale. Lorsque bébé a environ 6 mois, nous devons rappeler aux familles l’importance de la contraception. Le lien de confiance entre les mères et moi s’établit tout naturellement, car nous sommes de la même communauté. Le fait d’avoir vécu les mêmes expériences est un véritable cadeau : cela leur donne énormément de confiance. J’ai puisé dans mes expériences personnelles et donné l’exemple de ma vie et de mes enfants. C’est à ce moment que j’ai vraiment capté son attention! J’ai expliqué combien c’était difficile pour moi d’être une mère monoparentale. Je suis devenue mère à la suite d’une relation abusive. Je n’aidais pas mon fils à se développer adéquatement, car je n’étais pas bien! Je ne savais pas vers qui me tourner. Je n’avais pas de ressources comme le programme La petite enfance. Peut-être que si j’avais eu quelqu’un pour m’accompagner, m’écouter et me conseiller, j’aurais fait d’autres choix. Je ne souhaite à aucune mère de vivre ce que j’ai vécu. C’est pour cela que je partage mon histoire, c’est la raison pour laquelle je suis ici. Le soutien. Pour que les mères ne se sentent plus seules.

Atteindre ses objectifs

Annette Morin s’est inscrite au programme La petite enfance après avoir constaté un problème : des membres de sa communauté s’enlevaient la vie.

Mère de huit enfants, Annette est originaire de la Première Nation de Pelican Narrows, mais elle réside à Maskwacis depuis plus de 20 ans. Au fil du temps, elle s’aperçoit que plusieurs jeunes femmes éprouvent des difficultés. Elle a l’impression qu’elles ne sont pas entourées de modèles positifs ou ne reçoivent pas d’encouragements.

« Je pense que les jeunes femmes ne savent pas ce qu’elles doivent faire ou pourquoi elles doivent faire ceci ou cela. Elles se perdent dans le système. Ou elles pensent qu’elles ne méritent pas d’être là, dit-elle. Je n’y crois pas une seconde. »

Annette raconte qu’elle travaillait auprès de quatre mères aux prises avec ce genre de difficultés. « Elles se sentaient tellement mal. Elles avaient l’impression de ne pas faire ce qu’elles devaient faire en tant que mères. »

Offrir une expérience de vie

Formée dans le cadre du programme La petite enfance pour les visiteuses, Annette affirme qu’une partie de son travail comme visiteuse consiste à dire aux membres des familles qu’ils font un excellent travail en tant que proches aidants et à leur donner simplement les outils dont ils ont besoin pour s’améliorer. « Je suis toujours étonnée de voir à quel point ils ont soif apprendre! Ils ne demandent qu’à être reconnus. C’est pour ça que notre présence est importante. Je vois déjà les changements chez mes mamans. »

Annette comprend intimement ce que vivent ces jeunes familles. C’est pour cela qu’elle voulait travailler avec elles. « Je peux vous garantir que tout ce que ces mères vivent sur la réserve, je l’ai vécu moi aussi. Il faut passer à travers les épreuves et ne jamais oublier qu’on est capable de survivre. »

Annette se rappelle d’un moment où elle a développé un lien étroit avec une mère inscrite au programme. Elle montait les escaliers pour rencontrer une mère et s’apprêtait à cogner à la porte lorsqu’une émotion l’a envahie, comme la fumée d’une sauge brûlante. « J’ai soudainement senti que j’étais exactement à ma place, en train de faire ce que je devais faire. Tant qu’on reste sur son chemin et fidèle à soi-même, on finit par arriver là où on veut être. »

Voici le message qu’Annette lance à sa communauté : « Peu importe ce qui vous arrive, ne laissez pas cela vous définir. »

Dans ses propres mots

« Le programme prénatal est pour nous une source de confiance en soi et de fierté. Je suis fière d’être une mère et de partager mes saines habitudes. J’aime que Melissa vienne chez moi pour de courtes visites. Elle a beaucoup de bons conseils à me donner et m’explique les nombreuses façons de faciliter mon rôle de nouvelle maman. Sa participation au programme nous rappelle que notre communauté est à notre écoute et veille sur nous. Ce que j’aime également, c’est que Melissa est présente lors de nos visites et qu’elle est à l’écoute des besoins des bébés à chaque étape de leur vie.
Continue ton excellent travail. Nous, les mères, avons besoin de savoir que nous jouons un rôle important. Melissa contribue à augmenter notre niveau de confiance en nous-mêmes et notre bien-être dans notre vie personnelle. »
— Rhea
participante au programme dans la communauté de Maskwacis